Mardi 27 mars 1883
# Mardi 27 mars 1883
Villevieille écrit pour me féliciter et expliquer son silence, il paraît que Julian lui avait dit qu'il était ennuyé de ne rien savoir du tableau, il ne savait que l'admission d'irma. Et alors bien que j'eusse reçu un mot positif après cela, je suis reprise d'inquiétudes. Pourtant la carte de Julian est claire.
Oui mais... enfin je lui récris.
Et aussi comme c'est délicat de la part de Julian d'aller dire cela en plein atelier, à Villevieille qui n'est pas ma sœur, devant tout le monde, qu'il ne sait rien et qu'il est inquiet. Supposez que je sois refusée... Il le fait supposer d'avance... Enfin que voulez-vous. C'est moi qui lui ai prêté des bons sentiments à mon égard... C'est égal... Je n'aurais rien dit à sa place même pour une indifférente... je n'aurais dit cela comme ça devant tout le monde que d'une ennemie et encore...
C'est triste...
Mais je viens de chercher dans l'Odyssée, Homère ne donne pas la scène que j'ai imaginée. Il est vrai qu'elle doit venir comme la conclusion logique et inévitable des faits précédents, mais enfin il ne la donne pas. Mais le discours plein de louange et d'admiration d'Ulysse en abordant Nausicaa a dû inévitablement monter à la tête de celle-ci, elle s'en explique du reste à ses compagnes...
Elle prend pour un dieu, et il lui fait la même politesse...
Enfin c'est comme ça.
Je relirai encore les paroles d'Ulysse.
Lorsqu'il apparaît nu et souillé aux jeunes pheaciennes elles s'enfuient toutes, Nausicaa reste seule. "C'est Minerve qui donne ce courage".
Le vieux viveur, ce vieil intrigant fort beau du reste a besoin de vêtements et de protection et il compare Nausicaa à Diane.
Donc elle doit être grande, élégante et svelte.
Ses yeux, dit-il n'ont jamais vu une mortelle semblable.
Il la compare ensuite à une tige fe palmier qu'il l'a rendu muet de surprise à Delos près de l'autel d'Apollon dans un voyage qu'il y fit suivi d'un peuple nombreux et ce voyage a été pour lui la source des plus grands malheurs.
Ainsi en quelques mots il lui prodigue les plus belles flatteries et se présente lui-même sous un jour poétique, majestueux et digne du plus vif intérêt par ses malheurs, il semble persécuté par les dieux.
Pour moi il est impossible que cette jeune fille, son esprit et sa beauté rendent l'égale des immortelles ne soit pas saisie d'un sentimento extraordinaire, surtout dans les dispositions où l'avait mise le rêve précurseur...
Enfin il paraît que Villevieille avait mal compris. Julian n'avait parlé que de la tête d'irma parce qu'il ne croyait même pas utile de dire que le tableau est reçu, il ne pouvait y avoir de doute pour Irma et encore. Je suis archi-reçue.