Jeudi 8 mars 1883
# Jeudi 8 mars 1883
Il a tombé de la neige mais je travaille tout de même.
Emile Bastien vient voir le tableau... Il le trouve bien et dit qu'il sera bien vu au Salon. J'avais très honte de lui montrer cette peinture, tellement dans le genre de son frère... j'aurais voulu me cacher comme une voleuse et j'ai créé une heureuse (?) disgression en reparlant de son frère et de l'histoire de la décoration de mon atelier. C'est-à-dire voilà, hier à table devant Alice et d'autres, il a eu l'air de craindre de passer pour un professeur de perspective et j'ai saisi ce prétexte pour écrire une lettre ou je me plains amèrement d'être prise par son Frère et par lui pour une sotte, pour une rastaquouère enfin, l'histoire des journaux ou nous avons eu l'air de faire les articles sur la prétendue décoration de l'atelier... Car son frère a été furieux... Et c'est moi qui ai eu l'air de m'être vantée...
Enfin ça me met d'autant plus en colère que je suis un peu coupable car j'ai dit que Bastien-Lepage, sans spécifier, avait décroché des draperies en haut de la galerie. Je suis d'autant plus indignée devant l'architecte pour frapper son imagination et pour qu'il éclaire son frère... Oh ! mais une tirade ! Pour qui nous prenez-vous, vous deux ?
Quelles étrangères avez-vous connues ? Les gens comme il faut sont les mêmes partout ! Vous imaginez-vous avoir affaire à des rastaquouères qui se payent des articles de journaux ! Mais savez-vous bien que vos suppositions nous couvrent de ridicule ! Nous, moi, avoir l'air de parader avec des noms connus ! Mais j'en aurai cinquante peintres célèbres si je veux et quand je veux !
Voilà comment je suis récompensée de tant admirer le talent de votre frère ! enfin c'est vraiment indigne. Etc. etc. etc. C'est que c'est un peu vrai aussi. Et c'est que je suis vraiment furieuse de ce déplorable incident qui éloigne Bastien-Lepage de chez nous.