Bashkirtseff

Jeudi 14 décembre 1882

Orig

# Jeudi 14 décembre 1882

Le matin nous allons voir les toiles que le vrai Bastien vient de rapporter de la campagne. Il est là, entrain d'arranger les bords des tableaux et certaines choses dans les fonds. Nous nous rencontrons comme des amis, il est si gentil, si bon enfant... Peut-être n'est-il pas tout cela mais il a tant de talent, pourtant il est charmant. Et le pauvre architecte tout à fait effacé par le rayonnement fraternel. Il a rapporté plusieurs études, un soir au village, la lune paraît déjà et les fenêtres s'allument, un homme rentrant des champs se retourne pour parler à une femme qui se dirige vers la maison ou la fenêtre est illuminée, le crépuscule est rendu merveilleusement, le calme qui envahit tout, les gens qui rentrent chez eux, tout se tait, seulement on entend aboyer quelque chien. C'est d'une couleur, d'une poésie, d'un charme !

Le genre de Jules Breton qu'on appelle poète gros comme le poing, serait mieux. Il y a aussi une forge ou un vieux bonhomme travaille. C'est tout petit et ce n'est pas moins beau que ces merveilleuses petites toiles brunes qu'on voit au Louvre.

A côté de ça des paysages, de l'eau, Venise et Londres. Et deux grandes toiles, une bouquetière anglaise et une gamine dans un champ. C'est grand comme nature et m'a rempli de stupéfaction tellement cela me paraît inférieur à lui-même.