Jeudi 5 octobre 1882
# Jeudi 5 octobre 1882
Cette imbécile de tante se bute comme un âne. Elle ne veut pas venir en Russie parce qu'elle a à finir cette affaire de Soulima, où elle a été mêlée à l'âge de dix-neuf ans, ou Georges et Alexandre ont donné des calottes à quelqu'un et elle était présente, et ça s'appelle au procès. Donc, non, c'est trop impatientant en vérité. Moi, les idioteries [sic] m'enragent. Heureusement que maman a écouté mon père, sans ça tout traînerait encore. Mais ce qu'il y a de ravissant c'est que ces spirituelles femmes disent aussi: pourquoi y est-elle allée! Mais leur répond-on, pour se débarasser de ce procès, qui est fini et nous voilà tranquilles ! C'est égal disent-elles, elle aurait pu ne pas y aller !
Quand on est comme ça il n'y a rien à dire. Seulement cette fois c'est révoltant parce que je vais avoir l'air d'une demoiselle qui voyage seule. Enfin c'est incroyable, inouï, extraordinaire, prodigieux qu'on ait tant de sollicitude pour tout ce qui est de la vie matérielle et qu'on ne soupçonne pas la vie morale ou sociale ou comme vous voudrez !
Pour une fenêtre ouverte on ferait un tapage d'enfer et là elle me laisserait partir, c'est-à-dire en m'accompagnant jusqu'à la frontière, comme la première fois, et en donnant au voyage un air louche et étrange.