Samedi 19 août 1882
# Samedi 19 août 1882
Le vrai Bastien est parti pour Damvillers ou il restera cinq mois, l'architecte vient me faire les excuses du grand frère. Alors nous avons causé de la Cartwright, et l'honnête architecte questionné étroitement avoue [que] je ne dois pas aller à ses soirées, que les femmes que je pourrai connaître là pourraient ne pas me regarder comme il convient, me confondre avec des personnes et que... En général pour dix neuf personnes sur vingt j'aurai l'air de faire partie de ce salon... Du reste la Cartwright elle-même est une femme très gentille et qu'il aime beaucoup et que je pourrai voir mais peu et pas devant du monde. Oui, c'est ce que je pensais. Du reste tout le monde nous a dit cela.
C'est Breslau qui a fait que j'ai voulu voir la belle Américaine...
Ah ! je souffre tant de n'être rien.
Je travaille dans le jardin qui me donne tout à fait le décor du Parc Monceau, je fais un gamin d'une douzaine d'années avec la blouse et le tablier, assis sur un banc et lisant une feuille illustrée, son panier vide à côté de lui... On voit cela continuellement au Parc et dans les rues ici.
Quand je pense à mon tableau, si c'est le soir je ne puis m'endormir. Il est impossible que !.. Ou bien quelque chose m'empêchera de le faire !... Si je le faisais avec toute cette passion que j'y mets dès à présent, ce ne pourrait être tout à fait mauvais... Eh bien... Il arrivera des choses... Je suis bouleversée rien qu'en y pensant... Ça ne pourra pas arriver que je fasse un bon tableau, je n'ose pas y rêver et cette pensée me retourne le cerveau...
J'ai aussi un portrait en tête... Je voudrais envoyer ce tableau et le portrait... Je vois déjà Dina, elle sera admirable, avec une pointe de mystère, d'inconnu dans ses yeux de chat; une expression extraordinaire dans ses sourcils de japonaise et ses yeux retroussés, je ne sais quoi qui ne ressemble pas à l'air de la Joconde mais qui a son mystère aussi...
Breslau est pour trois mois en Suisse. Elle va faire des petits paysans, m'a dit Tony. Bastien a peint un petit garçon, alors elle va en faire deux ou trois, n'ai-je pas essayé d'en faire trois à Nice, toujours à la suite du petit de Bastien. Elle voudra se rattraper l'année prochaine du four de cette année... Mais voyez comme quand on a les mêmes idées... j'ai toujours en tête de peindre deux ou trois gamins depuis celui de Bastien, à Nice j'avais dessiné et préparé puis je ne sais quoi et la toile a été crevée. Breslau va le faire.