Mercredi 26 juillet 1882
# Mercredi 26 juillet 1882
Gabriel est venu faire ses adieux, il s'embarque le 29 pour Constantinople. Nous étions sorties.
Tout en disant aux Gavini des choses faites pour enlever toute illusion sur une possibilité de me proposer Gabriel, et tout en me tenant réservée vis-à-vis des Géry, je me demande pourquoi de son côté Gabriel n'a fait aucune tentative. Ce n'est pas logique, je sais mais...
Adeline n'a jamais osé me le proposer car elle m'en avait offert de mieux selon elle que j'ai refusé net. Comment voulez-vous donc qu'elle m'offre Gabriel Géry tout court qui aura douze mille francs de rente en se mariant, quand j'ai fait fi de plusieurs messieurs très titrés ayant la même chose et même un peu plus.
Un jour elle m'a dit qu'on pourrait le marier avec Dina. Je me suis troublée et j'ai répondu une bêtise, que Gabriel est trop jeune. Je sais tout ça et pourtant... Allons pas de bêtises. L'aurai-je épousé ?? Non ? Eh bien pourquoi en parler. Je ne sais pas mais... Il y a toujours à son sujet je ne sais quoi, enfin c'est un charmant garçon... Mais un titre vaut mieux qu'une individualité dans l'esprit d'Adeline et de bien d'autres. Pour me l'offrir il faudrait qu'elle pense qu'il me plaît et encore dirait-elle que c'est un drôle de goût, que les Géry ne sont pas de l'aristocratie, que... Elle a raison. Ils ont raison et j'ai raison aussi de m'accorder à tout ça que... Je ne sais quel sentiment ému... Qui ne dure pas et qui est indigne de moi.
Et alors une voix s'élève et crie: Imbécile ! Un mari bon, honnête, loyal, charmant, qui te ferait heureuse et tranquille. Et avec cela le travail et la gloire peut-être. Le travail dans un milieu indépendant, choisi, chez soi, avec un ami, un campagnon sur... C'est banal ces mots... Mais vrai ! Vous savez que très sérieusement je crois que je rendrais ces gens-là très heureux. Mais il faudrait... Je serais forcée de faire... C'est-à-dire de faire comprendre à Adeline que je veux bien... Et puis si... Je me trompais, si ce n'était pas par conviction de l'impossibilité... Si... Mais... Ah ! bon, il reviendra encore en France et puis demain... Je n'y penserai plus... Et j'aurai peut-être tort.