Dimanche 28 mai 1882
# Dimanche 28 mai 1882
La duchesse de Fitz-James est venue hier pour dire qu'elle nous présenterait le soir chez sa belle-fille la duchesse de Fitz-James, il y avait bal. Maman assure que cette vieille est tout ce qu'il y a de plus aimable et ne demande qu'à nous piloter. Elles se voient assez souvent mais je ne sais rien au juste, toujours occupée de cette sacrée peinture. Donc nous allons la prendre et arrivons ensemble.
C'est tout ce qu'il y a de plus chic, du vrai monde, de vraies jeunes filles ravissantes et fraîches. De vraies toilettes. La vieille duchesse a je ne sais combien de neveux et de petits enfants. Sa petite fille Mme de Turenne [Rayé: n'est plus jeune] a vingt-neuf ans et l'autre, Mme de Miramon a un fils de sept ans [Mots noircis: l'arrière petit-fils de la duchesse.]
Les noms que j'ai entendu prononcer sont des plus connus et les plus aristocratiques et le peu de personnes que je connais de vue sont ce qu'il y a de plus élégant. Quant à moi je m'ennuie cruellement.
D'abord je ne suis pas bien habillée, la robe est jolie mais pas pour un bal; le sentiment de cette infériorité me rend terne, et puis je ne connais personne et tous ces jeunes gens ont dansé tout l'hiver ensemble, et la plupart des jeunes filles se tutoient. Les maîtres de la maison sont tout ce qu'il y a d'aimable et l'on nous présente à des dames, on me présente des messieurs, je danse mais... Avec gêne... et vous comprenez dans quel état d'abrutissement me mettait cette situation... Modeste. Je n'étais pas à mon avantage et je ne connaissais personne, aussi n'ai-je pas eu de trophées au cotillon que je quitte bien avant la fin du reste. Et cette robe me donnait un air désagréable !... Enfin il est rare qu'on s'amuse quand on va comme cela tout à coup dans une société inconnue et qu'on n'est pas sorti tout l'hiver et qu'on ne connaît pas un chat, mais quand on est en possession de tous ses moyens on peut faire figure... Je n'étais ni habillée, ni préparée, ni coiffée... Je pensais que ce serait un petit balichon [sic] en robes montantes et regrettais mon demi-décolleté.