Jeudi 18 mai 1882
# Jeudi 18 mai 1882
Voilà que maman reçoit une lettre de Soutzo qui dit qu'il n'ose pas se présenter lui-même, et qu'il supplie de lui dire qui a pu inventer qu'il a dit quoique ce soit. Quatre pages très franches où il est très indigné de passer pour un calomniateur, lui qui nous est si dévoué etc. etc.
Or vous savez que c'est Bojidar et la princese qui ont dit cela et même ils ont prétendu qu'ils n'étaient pas venus pendant un an ici parce que "ce cochon" de Soutzo venait. Encore à Nice Bojidar m'a répété tout cela. Et voilà Soutzo de retour et Bojidar et Alexis et leur mère qui sont au mieux avec lui. Alexis a même dit qu'il avait cru que Soutzo avait médit mais que ce n'est pas vrai.
Bojidar lui ne dit rien, il a affirmé avec tant d'insistance, jurant qu'il serait obligé de casser la tête à ce Soutzo s'il le rencontrait.
Je ne sais plus comment il va se tirer d'affaire.
Du reste ils ont un toupet monstre ces Karageorgevitch; des gens bien embêtants avec leurs mœurs slaves et encore je calomnie ces pauvres Slaves; ces Karageorgevitch sont très dangereux, ils font des histoires de tout et tous les jours on les entend dire qu'un tel leur a volé ou escroqué telle ou telle chose ou bien que... Enfin des choses monstrueuses et huit jours après, ils retombent dans les bras de ces infâmes et de ces voleurs. A la campagne ou pour installer ou déménager un atelier Bojidar est précieux mais autrement ! C'est heureux que Soutzo ne soit pas intéressant mais si on avait fait tous ces potins pour quelqu'un de charmant, ce serait plus grave. Il est si facile de les pulvériser avec le Soutzo que je suis horriblement gênée pour leur en parler et que je ne dis rien. Bojidar a dîné hier ici comme si de rien n'était.
Et aujourd'hui nous avons rencontré Soutzo en visitant un appartement à côté de la princesse. Nous lui avons parlé de sa lettre et de ces tripotages, il était très ému et bégayait et la princesse nous bénissait de son balcon de vieille toquée.
Bastien-Lepage est le premier, le plus charmant, le plus fort, le plus véritable artiste de notre époque... Saint Marceaux et lui.
Faut-il que je sois mauvaise mais je ne vous cache pas que je suis soulagée de voir la pêcheuse de Breslau si médiocre.