Bashkirtseff

Mardi, 24 février 1874

Orig

# Mardi, 24 février 1874

Je sors avec Machenka (robe brune, chapeau brun, bien).

Il a plu à huit heures du matin et l'air est pur et frais. L'astre qui etc. ne se montre pas trop et je sors avec plaisir. Depuis deux ou trois jours on parle un peu de l'achat d'une villa; aujourd'hui lorsque j'ai demandé à Auguste où il avait laissé maman, ma tante, Walitsky et Stiopa, il me dit à la rue de la Préfecture; j'ai compris chez Desforges.

J'étais très surprise de voir Boreel, il allait avec Emile d'Audiffret en voiture, derrière nous. Il est devenu laid.

Lorsque je le vis venir je dis :

- Dina, Regarde qui vient ! le voilà qui vient, si seulement je ne rougissais pas !

Je le disais sincèrement et j'ai rougi, mais, lorsqu'ils arrivèrent assez près pour voir, ma rougeur était passée pour ne jamais plus revenir.

[Dans la marge: Cela veut dire que je ne voulais rien cacher par ces paroles et que je ne sentais rien que la peur de rougir.]

Je suis fâchée contre moi pour ma folle conduite envers lui l'année dernière. Il l'a sans doute remarqué. Bah ! c'est passé. Mais il est devenu laid. Il fut un temps où il me plaisait beaucoup. Il n'a pas l'air distingué, grand seigneur. Il fut un temps où je ne savais pas ce que c'est. C'est simplement un jeune homme, d'extérieur agréable et d'esprit borné. Comment ai-je pu le comparer au dieu Hamilton ? ! Comment la folie d'une comparaison aussi impossible avait pu m'entrer dans la tête. C'est comme [Rayé: l'or] un diamant et un caillou.

Je rentre pour mon latin, au portail je rencontre maman etc. une partie de la villa Carlone est achetée avec une maison et un pavillon que j'habiterai seule. Tout le monde est très content. A six heures je descends, la princesse me dit qu'ils sont encore sortis et qu'ils veulent céder un des lots à la Promenade, un seul me parut misère et de peur qu'ils ne fassent rien [Rayé: sans moi] de mal j'appelle Machenka, je mets mon chapeau et nous courons par la Petite Saint-Etienne, j'arrête une voiture et nous volons à la villa Carlone, nous les trouvons avec peine, j'examine le terrain moi-même, je trouve que le lot peut être cédé car sans lui le terrain aurait cette forme, prom. des Anglais

![](file:///C:/Users/kerra/OneDrive/Documents/bashkirtseff/tome3updated_files/tome3updated-7.jpg)

prom. des Anglais. Je vois Biasini.

Pour les constructions il faut s'adresser à moi. A votre service, Mademoiselle. Il me fait tout visiter et nous raisonnons comment mieux faire, pour construire une grande salle à manger et un salon au premier. La maison n'est pas meublée, mais les plafonds, les tapisseries, les portes, les cheminées et les fenêtres sont très soignées, très neufs, très riches et très bien. De là nous allons chez Desforges où ma tante verse les premiers dix-huit mille francs.

Le tout coûte deux cent dix-huit mille francs.

Le soir nous avons M. et Mme Balagny et Mme Salneuve et M. Tormosoff.