Bashkirtseff

Samedi, 11 octobre 1873

OrigCZ

# Samedi, 11 octobre 1873

Elle avait un air jeune fille, cette robe est drôlement faite, comme si elle avait mis la robe de la princesse, c'est ajusté de forme mais pour elle c'est très large. Elle flotte comme dit Bête. Elle est charmante jouant avec le chien. Nous tournons, mais elle entre dans une ruelle, heureusement elle s'arrête au commencement et parle à Nash, je suppose que son fils est chez Nash. Elle lui parlait au commencement de la ruelle près de la villa Faÿ. Elle a des manières très distinguées et agréables. Elle est attrayante, sympathique. Elle a une manière de donner la main et de dire bonjour toute particulière. Elle a quelque chose que je ne comprends pas, mais qui me brûle, me fait battre le cœur et m'agite. Je guette tous ses mouvements sans pouvoir attraper un seul. Je suis stupide de m'extasier ainsi pour une cocotte.

Non, elle est adorable, oh ! pourquoi ne ...

On s'est souvenu de grand-maman et j'ai fondu en larmes, pour les dissimuler je me tourne vers la rue mais il y a du monde, ainsi je dus essuyer les yeux et m'asseoir comme il faut. Ah ! mon Dieu !

Avec le froid, je revis, je deviens rose et blanche au lieu de brûler rouge comme pendant les chaleurs.

On a commencé à arranger la salle à manger. J'ai travaillé depuis six heures: une heure études, une heure Manotte, une heure chimie, une heure allemand, une heure mathématiques et encore deux heures de piano.

Je suis libre l'après-midi car il me manque encore deux professeurs. J'ai joué au croquet avec Dina, je reprends décidément, cela va mieux, bien.

En vérité je ne sais que penser. Ma tante et Bête assurent que Gioia est maigre et pas belle, Bête a osé dire qu'elle est laide. Elle a dit que Gioia n'est pas du tout belle, mais qu'elle me plaît for Hamilton's sake.

Les plaisanteries sur Hamilton sont rares, très rares. Une fois par semaine Walitsky lance un mot à peine aperçu, c'est-à-dire qu'on ne veut pas l'apercevoir.

Cette vieille carcasse, cette horreur, ce paysan, ce Lefèvre a des idées et des plans à propos de pauvre Dina qui m'enragent. Il ose oh ! hardiesse ! Il ose penser qu'on donnera Dina à son neveu, à cet huilier, à ce marchand paysan, à cet animal bipède, à cette horreur, méprisation [sic], et contempt.

Nous en causions chaleureusement, lorsque le vieux crapaud arriva. Je lui lançais un ou deux mots qui lui firent comprendre un peu combien étaient vains et présomptueux ses désirs ! Qu'elle soit belle ou laide, bête ou spirituelle, riche ou pauvre, mais elle d'une noble et ancienne famille russe, qui n'est pas princière seulement pour avoir négligé une formalité et qui a toujours le droit de réclamer son titre qui lui vient encore du prince tartare Baba. Je ne permettrai pas un abaissement pareil. On a beau prêcher l'égalité ! Un paysan normand, niçois, huilier ! Oh ! Oh ! Oh ! Ah !

- Pourquoi tu t'échauffes ainsi ma belle enfant ? Le crapaud n'a pas encore demandé !

- Et qui sait ?

- Oui, il a demandé mais familièrement, sous la forme d'un projet à maman (je suppose cela). Et maman, par faiblesse, bonté et bêtise a répondu que Dina est trop jeune seulement.

Oh ! rage. Oh ! foudres ! Oh horreur !

Mais si ce vilain ose demander Dina, un autre vilain peut me demander...

Oh ! non, non, c'est trop, c'est affreux !

Mais c'est que cela me touche aussi, moi ? Oh ! Oh !

Arrive ce qui arrive, je combattrai, je lutterai, je ne permettrai jamais (je ne parle pas de l'action, je penserai plutôt que la terre tournerait je ne sais pas où H!) qu'il ose demander et en parler, je lutterai, seulement parce qu'elle est ma sœur, et que tant que je vis, je ne permettrai pas une honte pareille !!!

On parlait de ça et Walitsky dit:

- Sans doute, tu aimes mieux Hamilton ?

- Sans doute, c'est propre au moins.

- Comment cherchera-t-il à se marier, et Moussia à passer la main dans le dos.

- Oui, le duc ne se marie pas, ajouta ma tante.

Je jouais du piano, Bête et tante étaient près de moi, causaient. Ma tante dit:

- Un triumvirat est constitué Gioia, Wittengstein et Soubise. Ils ont loué un landau et ils roulent. Quelle honte pour Gioia. Mais quand c'était Hamilton, il y avait la voiture, mais maintenant il [l']a chassée.

Princesse: - Est-il possible qu'il l'ait chassée ?

- Oui, tout le monde le dit

et elles continuèrent sur ce ton. Il doit avoir trouvé quelque chose de bien beau s'il a abandonné Gioia. Si c'est vrai c'est affreux ! Tant qu'il

Nous allons à la promenade (robe verte, bien).

Il commence à faire du vent. La belle Gioia est chez elle, je la vis à sa fenêtre en robe de chambre bleue et rose. Elle fermait la porte du balcon et nous regarda, ça ne m'étonne pas, nous la regardons tant et poursuivons souvent. Tout de même elle...

L'homme boiteux à qui est le yacht Oimara est arrivé, nous passions, il était avec Addy (sa femme copie Gioia et lui ressemble tout à fait de tournure, de figure un peu de loin). Je ne sais pas le nom de ce Oimara, je le nommerai Oimara. Ainsi donc, ce Oimara m'a tellement regardée ! Il m'a reconnue et il était content.

C'est comme moi.

Ce soir, je vais au Français: "Le centenaire" drame ou comédie (robe toile grise, fichu en Bruxelles, coiffure Galve bien). Ma tante et Dina viennent aussi. Paul et Khalkionoff à l'orchestre sont drôles tous deux, ces gamins ! L'un veut attraper l'autre, Paul dit que Khalkionoff est amoureux de Petit et Khalkionoff dit que c'est Paul. Elle sait cela et restant dans sa loge, laisse voir sa main, se cachant toute entière.

Paul a attrapé Khalkionoff au moment où il sortait de la loge de Petit: tableau ! Je me suis amusée.

Khalkionoff, Paul et Walitsky vinrent chez nous et restèrent les deux derniers actes. Walitsky est impayable, il fait des remarques sur la pièce, les situations, les acteurs, charmantes ! Il se moque très bien. C'était un drame et j'ai ri tout le temps, c'est que nous caricaturons tout à notre façon.

Il y a peu de monde, pas un seul homme. Walitsky entre et je lui dis - Bonjour M. Zibine (à cause de sa jaquette) et il me répond :

- Eh bien, petite Hamilton !

Un jour je me souviendrai avec plaisir de toutes ces bêtises.

[Annotation: Avril 1875 : Ce jour est arrivé.]