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PRÉFACE
1884 . Mai
A quoi bon mentir et poser ? Oui, il est évident que j'ai le désir sinon l'espoir de rester sur cette terre, par quelque moyen que ce soit. Si je ne meurs pas jeune, j'espère rester comme une grande artiste, mais si je meurs jeune je veux laisser publier mon journal qui ne peut pas être autre chose qu'intéressant. Mais puisque je parle de publicité cette idée qu'on me lira a peut-être gâté c'est-à-dire anéanti le seul mérite d'un tel livre; eh bien non. D'abord j'ai écrit très longtemps sans songer à être lue et ensuite c'est justement parce que j'espère être lue que je suis absolument sincère. Si ce livre n'est pas l'exacte, l'absolue, la stricte vérité il n'a pas raison d'être. Non seulement je dis tout le temps ce que je pense, mais je n'ai jamais songé un seul instant à dissimuler ce qui pourrait me paraître ridicule ou désavantageux pour moi. Du reste , je me crois trop admirable pour me censurer. Vous pouvez donc être certains, charitables lecteurs, que je m'étale dans ces pages tout entière. Moi comme intérêt, c'est peut-être mince pour vous, mais ne pensez pas que c'est moi, pensez que c'est un être humain qui vous raconte toutes ses impressions depuis l'enfance. C'est très intéressant comme document humain. Demandez à M. Zola, et même à M. de Goncourt et même à Maupassant.
Mon journal commence à douze ans, il ne signifie quelque chose qu'à quinze ou seize ans. Donc il y a une lacune à remplir et je vais faire une espèce de préface qui permettra de comprendre ce monument littéraire et humain. Là, supposez que je suis illustre. Nous commençons.
Je suis née le 11 novembre 1859[^00.05.1] - C'est épouvantable rien que de l'écrire. Mais je me console en pensant que je n'aurai certainement plus d'âge lorsque vous me lirez.